Ben Laden et son bras droit Ayman Al-Zawahiri, un médecin égyptien, ont porté au niveau mondial cette stratégie en deux temps que nous venons de voir à savoir réislamiser les populations musulmanes puis imposer l’islam au reste du monde.
Pour eux, comme pour l’ensemble des islamistes, les premiers ennemis se sont les gouvernements des pays musulmans, ces pseudo-dictatures soutenues et parfois mises en place par l’Occident qui plongent l’Oumma, la communauté musulmane, dans la mécréance. Pour quitter cette déchéance dans laquelle se trouve le monde musulman, pour retrouver cet âge d’or perdu de l’islam, il faut instaurer par la force « l’État islamique ». Ben Laden et Al-Zawahiri partageaient avec les islamistes du monde entier ce slogan : « Nous voulons le Coran pour constitution ».
Durant les années 90, les djihadistes ont combattu ces régimes sans parvenir à mobiliser derrière eux les populations de ces pays. Ces musulmans indécis, étaient partagés entre d’un côté le souhait d’un retour aux sources, au Coran et à la sunna4 , et d’un autre côté l’aspiration à des valeurs démocratiques, au mode de vie occidental. Suite à ce constat d’échec, à cette incapacité à mobiliser le monde musulman contre leurs dirigeants, Ben Laden et Al-Zawahiri décidèrent de changer de stratégie. Cette nouvelle stratégie consistait à réaliser un attentat spectaculaire sur le sol américain, afin de montrer à ces populations indécises d’une part la puissance du djihad et d’autre part la fragilité de l’Occident. Cet attentat spectaculaire visait à convaincre ces musulmans que l’Occident est un leurre sur lequel on aurait tord de miser, que seul le retour aux sources, au Coran et à la sunna, permettrait au monde musulman de retrouver sa grandeur.
Al-Zawahiri, le bras droit de Ben Laden, a expliqué cette stratégie dans une lettre publiée sur Internet en décembre 2001 intitulée Cavaliers sous la bannière du Prophète.
Gilles Kepel, professeur à l’Institut d’Études Politiques de Paris, dirige le programme de troisième cycle sur les mondes arabo-musulmans. Il commente ici le texte d’Al-Zawahiri :
« Le docteur Zawahiri établit d'abord un sombre diagnostic pour les années 1990 (…) De l'Égypte à la Bosnie, de l'Arabie saoudite à l'Algérie, les activistes djihadistes ont partout échoué en définitive à mobiliser derrière eux les “ masses musulmanes ” pour abattre les régimes au pouvoir - qualifiés d' “ ennemi proche ”. Pour renverser le cours de ce déclin, il faut changer radicalement de stratégie en frappant un grand coup contre les États-Unis. Par son audace et sa magnitude, il doit galvaniser ces populations indécises du monde musulman et les convaincre de la puissance irrésistible des forces du djihad comme de la faiblesse de la superbe Amérique.(…) Cette provocation terroriste sur le territoire de l'Occident ne saurait distraire les militants, dans l'esprit de Ben Laden et Zawahiri, de leur objectif premier : (…) instaurer partout, par la lutte armée, l’ “ État islamique ”. »5
Nous sommes très loin de la théorie du boomerang. Le véritable objectif de Ben Laden et d’Al-Zawahiri, ce n’était pas à proprement parler les États-Unis. Ils n’avaient pas la naïveté de croire que quelques avions écrasés sur le sol américain suffiraient à venir à bout de cette hyper puissance. Les attentats du 11 septembre 2001 étaient de la propagande djihadiste dont le message n’était pas destiné aux américains mais aux populations musulmanes.
Cette stratégie remporta un certain succès, comme le constate début 2006 cet article paru dans Courrier international :
« Egypte, Irak, Iran, Palestine… Toutes les élections au Moyen-Orient confirment la montée en puissance des mouvements islamistes. La plupart avaient choisi la violence comme mode d’expression et l’islam rigoriste comme étendard ; les voilà à présent légitimés par les urnes. »6
L’objectif de ce terrorisme est donc bel et bien religieux ; il vise à réislamiser l’Oumma avec notamment l’instauration par la force de « l’État islamique » fondé sur le Coran et la sunna.
Mais ce qui frappe encore davantage, c’est qu’il n’y a pas que l’objectif qui est religieux. La mise en œuvre concrète de cet objectif global d’islamisation de l’humanité tente, elle aussi, de se conformer le plus possible au Coran et à la sunna.
Prenons un cas concret : l’assassinat de Théo van Gogh.
2.5 - Le meurtre de Théo van Gogh
Le 2 novembre 2004 Théo van Gogh, cinéaste hollandais a été tué dans un lieu public par un islamiste pour avoir réalisé un court métrage subversif sur l’islam.
Mohammed Bouyeri, l’assassin de Théo van Gogh, s’inscrit dans la lignée du Prophète. Pour ne citer que quelques exemples, Mahomet a fait tuer Abou Afak un vieil homme qui avait écrit des vers satiriques contre lui7 ; il a commandité le meurtre de la poétesse Asmâ bint Marwan pour s’être moquée des musulmans (elle a été tuée alors qu’elle dormait au milieu de ses enfants avec le plus jeune sur son sein)8 ; il a fait assassiner Ka’b pour avoir écrit des poèmes érotiques sur les musulmanes (Cf. Le meurtre de Ka'b) etc etc…
L’assassin de Théo van Gogh tira avec une arme à feu sur le réalisateur, et le tua de huit balles dans le corps. Mais suite à cela il lui trancha la gorge, le décapitant presque. Pourquoi après l’avoir tué, prendre la peine d’aller l’égorger ? Parce que Mahomet faisait égorger ses opposants, or comme le dit le Coran :
« Vous avez un excellent exemple dans votre prophète ; un exemple pour tous ceux qui espèrent en Dieu et croient au jour dernier. »9
On voit bien dans cet acte, en soit inutile, cette volonté de se conformer au modèle que constitue le Prophète. La vie de Mahomet a directement inspiré Mohammed Bouyeri, elle a été le véritable moteur de son action.