Lorsque l’on parle du salafisme ou des Frères musulmans, il s’agit d’une multitude de réseaux plus ou moins structurés, plus ou moins importants, plus ou moins radicaux, qui sont à la fois alliés et concurrents. Il n’existe pas d’unité, ni de hiérarchie reconnue par tous. Certains diront qu’il y a autant d’islamismes que d’islamistes. Néanmoins au-delà de cette diversité réelle, nous allons dégager deux postures une intégriste (salafiste) et une islamiste (Frères musulmans).
Un objectif commun
Les intégristes et les islamistes partagent le même objectif : achever ce qu’a inauguré Mahomet, à savoir la soumission de l’humanité aux lois d’Allah (étymologiquement islam signifie soumission)1 . Cet objectif peut se décomposer en deux axes :
1- Restaurer le califat dans les pays musulmans en éliminant les pseudo-dictateurs en place et en soumettant les populations à la Loi musulmane (la charia).
2- Étendre le califat au reste du monde.
Au-delà de ces objectifs communs il existe entre intégristes et islamistes de réelles divergences.
Charia et Takia
L’origine des divergences entre intégristes et islamistes réside dans leur rapport à la charia. Pour les intégristes il faut appliquer dès à présent la charia dans sa globalité, dans sa radicalité. On retrouve par exemple dans le Hadith de Muslim ou dans celui d’Al-Bukhari cette injonction de Mahomet :
« Différenciez-vous des infidèles, laissez pousser vos barbes et taillez vos moustaches »
Donc les intégristes se laissent pousser la barbe et se taillent la moustache.
Inversement pour les islamistes, des entorses à la charia peuvent être considérées comme licite dans la mesure où ces entorses visent une progression de l’islam et à terme l’avènement du califat. Par exemple si les islamistes ont abandonné la barbe et la djellaba pour le costume occidental, ce n’est pas par adhésion à la culture occidentale mais parce qu’ils estiment que la barbe agit comme un épouvantail, un répulsif et empêche toute forme de négociation, voir de manipulation de leurs interlocuteurs et finalement s’avère être un handicap pour défendre les intérêts de l’islam.
Cette posture est une conséquence directe de la takia, l’art de la dissimulation, dont on retrouve des échos dans le Coran ou dans la vie de Mahomet avec notamment ce principe : mentir à un infidèle ce n’est pas mentir (Cf. Meurtre de Ka'b commandité par Mahomet)
Par exemple Magdi Khalil, journaliste égyptien, a réalisé plusieurs interviews des dirigeants des Frères musulmans. Voici ce qu’il conclut de ces entrevues :
« Ils s’appliquent à nous rassurer à grand renfort de mots verbeux. Manipulant les termes, cachant leur jeu, jouant sur les ambiguïtés (…). On trouve tout dans leurs discours, qu’ils adaptent à la tête du client selon qu’ils ont affaire aux Américains, aux Coptes, aux femmes ou à Oussama Ben Laden. »2
Le principe est clair : dire à l’autre ce qu’il veut ou doit entendre pour permettre à l’islam de progresser. Les islamistes paraissent ainsi toujours plus ouverts aux dialogues, plus modernes que les intégristes, mais c’est une ouverture de façade qui cherche à obtenir de l’autre tel ou tel élément permettant de faire progresser l’islam.
Deux stratégies d’islamisation
Pour les intégristes, il faut appliquer la charia dans toute sa radicalité et augmenter progressivement le nombre de musulmans purs jusqu’à constituer le califat. C’est une islamisation par la base, par le peuple. Les intégristes refusent toutes formes de participation à la vie politique ou économique qu’ils estiment sous contrôle de mécréants.
Les islamistes, au contraire, cherchent à infiltrer toutes les structures, politiques, associatives, économiques qu’ils tentent progressivement de contrôler pour, à terme, faire émerger le califat. C’est en quelque sorte une stratégie d’islamisation par le haut, par le contrôle des instances dirigeantes.
Pour les intégristes, les islamistes se compromettent dans des attitudes et dans des alliances illicites. Pour les islamistes, il y a une hypocrisie des intégristes à prétendre pouvoir appliquer la charia dans sa globalité ; cela ne sera possible que sous le califat, et pour faire advenir le califat il faut infiltrer les sphères du pouvoir et donc être prêt au nom de l’islam à se compromettre en apparence avec les infidèles.
Voyons comment ces stratégies se déclinent en France…