De quoi parlons nous ?

Lorsque l’on parle de terrorisme religieux, il s’agit non pas d’actes terroristes commis par des personnes appartenant à telle ou telle religion, mais d’actes terroristes commis au nom de telle ou telle religion. Pour le dire autrement il y a « terrorisme religieux » lorsque la religion des terroristes est le facteur déterminant de leur passage à l’acte, lorsque ce sont des éléments de leur religion qui ont constitué l’assise théorique dont a émergé l’acte terroriste. On peut être musulman irakien et commettre un acte terroriste par « patriotisme » contre une base américaine, ça ne fait pas de cet acte du terrorisme islamique.

Le 11 septembre & Co

 La théorie du boumerang

Le début du XXIe siècle a été marqué par des attentats spectaculaires menés en Occident. - New York, le 11 septembre 2001 : 2976 morts - Madrid, le 11 mars 2004 : 200 morts, 1400 blessés - Londres, le 7 juillet 2005 : 56 morts, 700 blessés Lors de ces attentats, la théorie relayée de manière massive par les média et les hommes politiques occidentaux était celle de l’effet boomerang que l’on pourrait résumer ainsi : « L’islam est une religion de paix. Nous payons l’arrogance de notre politique étrangère. Nous sommes les vrais responsables de ces attentats. » Ainsi il ne s’agirait pas de terrorisme religieux au sens où nous l’avons défini, mais d’une sorte de vengeance contre l’oppresseur. Même si cette théorie est encore solidement ancrée et largement relayée, elle s’est peu à peu effritée pour laisser place à une toute autre réalité.

Héritiers du Prophète

Hassan But est un ancien djihadiste britannique. Il a longtemps défendu les « actions martyres » dans les média, mais a aujourd’hui renoncé à la violence. Pour lui, il n’y a pas de doute : le véritable moteur des attentats islamistes ce n’est pas l’arrogance Occidentale, mais bel et bien la théologie islamique : « Quand j’étais encore membre de ce que l’on peut désigner comme le Réseau des djihadistes britanniques (…), je me souviens à quel point nous nous félicitions chaque fois que des gens affirmaient à la télévision que la politique étrangère de l’Occident était l’unique cause d’attentats islamistes comme ceux du 11 septembre 2001, de Madrid et de Londres. En faisant porter au gouvernement la responsabilité de nos actes, ceux qui défendaient la théorie des « bombes de Blair » se chargeaient de notre propagande à notre place. Surtout, ils empêchaient toute analyse critique du véritable moteur de notre violence : la théologie islamique. »1 Un des propos les plus anciennement transmis que l’on ait de Mahomet synthétise la mission qu’il a reçue : « J’ai reçu l’ordre de combattre les hommes jusqu’à ce qu’ils disent : “ Point de divinité excepté Allah ”. Celui qui dit : “ Point de divinité excepté Allah ” préserve de mon atteinte ses biens et sa personne. »2 Le djihad traverse de part en part le Coran comme la vie du Prophète. Les djihadistes s’inscrivent dans la lignée du Prophète et souhaitent poursuivre le combat initié par ce dernier. Lors d’un précédent article, nous avons repris les fondements coraniques du djihad ainsi que le principe d’abrogation qui donnent aux versets violents plus d’importance qu’aux autres (Cf. Les fondements du djihad). Nous ne reviendrons donc pas dessus.

 Une stratégie en deux temps

Aujourd’hui, la stratégie des djihadistes s’exprime en deux temps. Dans un premier temps, il s’agit de réislamiser l’Oumma, la communauté musulmane. Ces musulmans qui, séduits par l’Occident, se détournent de l’islam ou pratiquent un islam édulcoré, se contentant pour toute pratique de ne pas manger de porc et de faire le ramadan. Puis, une fois l’Oumma remise en ordre de marche derrière le Prophète, il faut reprendre le djihad de conquête afin d’étendre l’islam au reste du monde. Cette stratégie en deux temps s’applique à la fois au niveau international mais aussi au sein des communautés nationales, comme en France par exemple. C’est ce qu’observe Yves-Charles Zarka, directeur de recherche au CNRS, professeur à la Sorbonne : « Le projet islamiste en France, à travers les différentes tendances qui le portent et les stratégies diverses qu’elles mettent en œuvre, est donc d’abord de faire de la communauté musulmane un ensemble homogène susceptible de faire plier la République sur le plan interne – la laïcité, par exemple – et externe – la politique étrangère. Cela revient à vouloir transformer la communauté musulmane en minorité tyrannique en vue d’imposer, à terme, la loi religieuse à la société tout entière. »3 Aujourd’hui nous sommes encore dans le premier temps. Autrement dit, aujourd’hui, les premières victimes des islamistes, ce sont les personnes d’origine musulmane qui se voient contraintes par la force de revenir à un islam rigoriste. Statistiquement parlant, ce sont eux qui sont les premières cibles des attentats islamiques. Cette simple constatation devrait réduire à néant la théorie du boomerang. Cette théorie qui voit dans le terrorisme islamique une défense, une vengeance contre l’Occident. Contrairement à ce que l’on pourrait spontanément penser, les attentats du 11 septembre s’inscrivent dans cet objectif de réislamisation et non dans celui de conquête de nouveaux territoires.

Explication

BUTT Hassan, Obsédés par ce monde de mécréants, Courrier international, n°870, 5 – 11 juillet 2007, p. 12. 2 Hadith (MUSLIM, Al-Sahîh, Imân,I, 200 sq. trad. Alfred-Louis de Prémare, Les fondations de l’islam, Paris, éditions du Seuil, 2002, p. 87.) 3 ZARKA Yves Charles, éditorial in L’islam en France, Cités, hors-série, Paris, éditions P.U.F., mars 2004, p. VI.