La déformation la plus importante que font certaines biographies ne concerne pas la Mecque mais Médine. A partir de Médine, le Prophète devient un véritable stratège politique et militaire, n’hésitant pas à faire des otages, commanditer des meurtres, faire exécuter ses opposants.
Beaucoup de biographies essayent d’occulter Médine. Elles mettent l’accent sur la phase mecquoise de la vie de Mahomet, elles soulignent le caractère mystique du Prophète qui rencontre l’ange Gabriel, et les musulmans opprimés par la vindicte mecquoise.
Or dans la sira et dans toute la Tradition musulmane on retrouve exactement l’inverse : la partie médinoise est beaucoup plus développée que la partie mecquoise, car les débuts de l’islam à la Mecque ont toujours été perçus comme une période obscure où les musulmans étaient faibles et la période de Médine au contraire comme la période de gloire d’un islam triomphant qui écrase ses ennemis. D’ailleurs l’an 1 pour les musulmans, ce n’est pas la naissance de Mahomet, ce n’est pas le début des révélations, c’est l’arrivée à Médine et le début du Djihad. Pour ne citer qu’un exemple, dans la traduction par ‘Abdurrahmân Badawi de l’intégralité de la sira d’Ibn Ishaq, la période mecquoise occupe 262 pages et celle médinoise fait un volume de 834 pages.
Nous allons donc reprendre ici la phase médinoise, si souvent occultée par les biographies commercialisées et pourtant centrale dans la Tradition musulmane.
Mais plutôt que de résumer ce qui c’est passé à Médine de manière linéaire, ce qui gommerait inévitablement la force du texte, nous allons illustrer la phase médinoise en reprenant un extrait représentatif de ce qu’a été Médine, en collant le plus possible à la sira. L’extrait en question pourrait s’intituler la bataille de Badr et ses conséquences. La bataille de Badr est la première bataille importante engagée par les musulmans contre les mecquois.
2.1 – La bataille de Badr
A son arrivée à Médine, la sira précise :
« L’Envoyé d’Allâh se prépara pour faire la guerre, afin d’exécuter l’ordre que Dieu lui intima de faire le jihâd contre l’ennemi, et de combattre les plus proches des polythéistes, c’est-à-dire les polythéistes arabes. »6
Mahomet apprend qu’une importante caravane mecquoise s’apprête à rejoindre La Mecque. Le Prophète mobilise alors ses hommes afin de ne pas manquer une pareille occasion. De leur côté, les mecquois apprennent l’intention de Mahomet d’attaquer leur caravane, ils se préparent à leur tour à rejoindre la caravane pour la protéger. Voici comment la sira raconte le début de la confrontation :
« L’Envoyé d’Allâh (…) les poussa au combat, en disant : Je jure par Celui qui tient dans sa main l’âme de Muhammad que celui qui combat l’ennemi aujourd’hui et qui sera tué en combattant avec patience et courage, en avançant et en ne jamais reculant, Dieu le fera entrer dans le Paradis.
Alors ‘Umayr (…) dit : C’est magnifique ! Mais entre moi et le fait d’entrer au Paradis, n’y a-t-il que le fait que ces gens-là me tuent ? ! Puis il a (…) pris son épée, combattit l’ennemi jusqu’à ce qu’il fut tué. »7
La sira poursuit en donnant d’autres exemples de musulmans ayant bondi au cœur de la bataille espérant par là obtenir le paradis.
Suite à un tel zèle les musulmans remportent la victoire. Ils se partagent alors le butin, et font des prisonniers.
Mahomet et les musulmans mecquois émigrés à Médine connaissent les prisonniers. Certains prisonniers sont libérés par le Prophète qui estime qu’ils ont été forcés par les mecquois à ce battre contre lui. D’autres prisonniers sont pris en otage pour obtenir une rançon. D’autres enfin sont tués sur place pour les préjudices qu’ils avaient fait subir aux musulmans lorsqu’ils étaient encore à la Mecque. Par exemple le Prophète fait mettre à mort Uqbah, un intellectuel mecquois qui s’était moqué de lui et de ses révélations :
« Quand l’Envoyé d’Allâh donna l’ordre de tuer ‘Uqbah, celui-ci dit : Et qui s’occupera de mes enfants, ô Muhammad ? L’Envoyé d’Allâh répondit : l’Enfer ! »8